Une Maladie Morale
eaub
ment plus d'une exception, mais ce n'est pas par l'exemple de Chateaubriand lui-même qu'on la pourrait contredir
ter les jardins publics, le fracas, le grand jour, ?à contempler de loin les feux qui brillent sous tous les toits habités: ici le réverbère à la porte du riche, qui, au sein des fêtes, ignore qu'il y a des misérables: là-bas quelque petit rayon tremblant dans une pauvre maison écartée du faubourg; et à se dire: là, j'ai des frères!? Il leur indique encore les consolations qu'ils peuvent puiser dans la nature. Dans u
e morale du siècle que, bien qu'elle soit présente à toutes
e promenant avec sa s?ur dans les bois, ?à la chute des feuilles,? il prête l'oreille ?aux sourds mugissements de l'automne ou au bruit des feuilles séchées? que tous deux tra?nent lentement sous leurs p
lle.? Il veut voir si les races vivantes lui offriront ?plus de vertus ou moins de malheur que les races évanouies.? Mais quel est le fruit de ses fatig
uelquefois il rougit subitement et ?sent couler dans son c?ur comme des ruisseaux d'une lave ardente; quelquefois il pousse des cris involontaires, et la nuit est également troublée de ses songes et de ses veilles.? L'automne arrive, il entre ?avec ravissement dans la saison des tempêtes.? L'exaltation de son c?ur s'accro?t chaque jour; il a peine à en contenir la force inactive. Il se sent seul sur la terre; ?une langueur secrète s'empare de son corps.? Il ne s'aper?oit plus de son existence que par un profond sentim
ien à la physionomie du héros. A la Louisiane ou en France, René est toujours le même: ?Je m'ennuie de la vie, dit-il, l'ennui m'a toujours dévoré. Ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point. Pasteur ou roi, je me serais é
as un ami! L'un trouve des adoucissements dans la vue de la nature; pour l'autre, elle n'est qu'un objet d'indifférence. Adonné à la rêverie et à la solitude, plein de mépris pour les hommes et de complaisance pour lui-mêm
de toutes choses, Chateaubriand l'applique à lui-même dans ses mémoires, et presque dans les mêmes termes: ?Voilà comme tout avorte dans mon histoire; comme il ne me reste que des images de ce qui a passé si vite..... la faute en est à mon organisation; je ne sais profiter d'aucune fortune; je ne m'intéresse à quoi que ce soit de ce qui intéresse les autres. Hors en religion, je n'ai aucune croyance. Pasteur ou roi, qu'aurais-je fait de mon sceptre ou de ma houlette? je me serais également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la prospérité et de l'infortune. T
s voyages et va se jeter au milieu des solitudes de l'Amérique. Il rapporte qu'en partant pour ces régions alors mal connues il se proposait un but utile, la découverte du monde polaire; et dans le récit de ses voyages, il parle sérieusement de ce grand projet. Mais il se faisait, ce me semble, illusion à lui-même: ce qui l'entra?nait vers des cieux nouveaux, c'était, avec l'attrait de l'inconnu, un go?t de l'indépendance que bien des circonstan
a douleur, il arrosait son lit de larmes cuisantes que personne ne voyait et qui coulaient misérables, pour un néant.? Un moment arriva où ces chagrins sans cause devinrent si amers qu'il voulut en finir avec l'existence. Il se saisit d'un fusil de chasse qu'il trouva sous sa main; heureusement l'arrivée d'un témoin déjoua cette tentative. A cette crise et à la m
ristesse physique, véritable maladie. Je n'étais pas à une nagée du sein de ma mère que déjà les tourments m'avaient assail
vivre, et ne lui a fait dédaigner ni l'amour ni la gloire. Il savait parfois descendre de sa hauteur solitaire; il savait rire et plaisanter, non sans grace. M. Joubert dit de lui, avant le temps des grandeurs, il est vrai, que c'était ?un aimable enfant.? Jean-Jacques Ampère assure que sa mélancolie ?qui deme
sa mélancolie qu'en la dominant. Il nous révèle lui-même ce secret, dans une lettre que, bien des années après, il écrivait à Mme Récamier. Parlant d'une visite au chateau de Fontainebleau, il ajoute: ?J'étais si en train et si triste que j'aurais pu faire une seconde partie à René, au vieux René. Il m'a fallu me battre avec la muse pour écarter cette mauvaise pensée; encore ne m'en suis-je tiré
t toute sa force de son propre fonds, il ne relève que de lui-même. En l'étudiant mieux, on
ts et des vents ne sont pas adoucies par celles qu'il rencontre au foyer domestique. Un père sévère et taciturne, entouré de plus de respect que de tendresse, une mère indulgente et chérie, mais triste elle-même, tels sont les souvenirs de son enfance. Ils ont laissé leur empreint
a?t parfois les formes déclamatoires, l'attendrissement pompeux de Jean-Jacques, que Chateaubriand, dans ce travail, n'hésite pas à appeler le grand Rousseau. Et n'est-ce pas à lui encore qu'il doit la première idée de ces confide
lourde; souffrir toujours par la pensée des maux de la patrie, par le retentissement des coups que la mort frappait parmi ses proches, atteints tant?t par la hache populaire, tant?t par les balles de la dictature. A un certain moment,-c'était en 1793-ces douleurs se compliquaient pour lui de la menace d'une fin prématurée. D'habiles médecins lui avaient déclaré qu'il ne devait pas compter sur une longue carrière. ?C'est donc, a-t-il dit plus tard, sous le coup d'un arrêt de
res, c'est sous les arbres de ses grands parcs que René lui apparut pour la première fois. ?J'étais Anglais, dit-il, de manières, de go?t et, jusqu'à un certain point, de pensées; car si, comme on le prétend, Lord Byron s'est inspiré quelquefois de René dans son Child-Harold, il est vrai de dire aussi que huit
lui serait échappée, dit-il, dans un moment de franchise: ?Quand je peignis René, j'aurais d? demander à ses plaisirs le secret de ses ennuis.? Rétablissons dans son exactitude le passage auquel il est fait allusion. Chateaubriand a dit seulement: ?J'ai perdu de vue René depuis maintes années, mais je ne sais s'il cherchait dans ses plaisirs le secret de ses ennuis.? Cette confidence n'a pas la portée que, dans sa malice, le critique lui prête en la dénaturant. Seulement, ailleurs, Chateaubriand a reconnu que c'étaient ?les entra?nements de son c?ur? qu'il avait peints, dans les Martyrs, ?
ion qu'il avait choisie lui semblait particulièrement appropriée à ce but. ?Afin d'inspirer plus d'éloignement pour des rêveries criminelles, il avait pensé qu'il devait prendre la punition de René dans le cercle des malheurs épouvantables, qui appartiennent moins à l'individu qu'à la famille de l'homme et que les anciens attribuaient à la fatalité. Il voulait que le malheur naqu?t du sujet, et que la punition sor
le du jeune Werther et de Rousseau, qui ont cherché le bonheur loin des affections naturelles du c?ur et des voies communes de la société.? Le 1er thermidor an XIII, un autre article publié dans le même journal, sous les initiales Ch. D. (Dussault?) louait fort M. de Chateaubriand d'
Oui, les paroles prononcées par le Père Sou?l ne laissent rien à désirer au moraliste le plus sévère. Mais suffit-il d'une réprimande placée à la fin de l'ouvrage pour détruire l'impression pernicieuse qu'il a pu causer? Croit-on que le sermon du jésuite sera mieux écouté que le récit du séduisant jeune homme qu'on est si disposé à plaindre? N'est-i
sortant du collège, qui n'ait rêvé être le plus malheureux des hommes; de bambin qui, à seize ans, n'ait épuisé la vie, qui dans l'ab?me de ses pensées ne se soit livré au vague de ses passions, qui n'ait frappé son front pale et échevelé, et n'ait étonné les hommes stupéfaits, d'un malheur dont il ne savait pas le nom, ni eux non plus.? On voit ici se produire ce qui s'est déjà présenté pour Werther. G?the aussi s'était donné la satisfaction pour apaiser son c?ur inquiet d'écrire le roman de la tristesse et du désespoir, et une fois soulagé par cet enfantement, il avait raillé les disciple