Une Maladie Morale
de S
ui l'exprime revient fréquemment sous sa plume. Mme Le Brun, dans ses Souvenirs, la représente comme personnifiant en quelque sorte la muse de l'improvisation, et Gérard n'a pas cru s'écarter de la vérité en la peignant sous les traits de Corinne, l'Ita
?fant?me de l'ennui l'a toujours poursuivie,? qu'elle est ?dans son imagination, comme dans la tour d'Ugol
usseau que j'ai rappelée, de ne pouvoir se passionner que pour des illusions. Mme de Sta?l ne se borne pas à comprendre Rousseau, elle l'admire. Dès son enfance, elle avait con?u pour lui, je répète le mot qui lui était cher, un enthousiasme ardent. C'était, avec Richardson, le seul écrivain dont elle emportat les ouvrages dans une retraite à Saint-Ouen, que lui imposait sa santé altérée par
dans l'autre les ouvrages Anglais, les ouvrages Allemands, quelques écrits des Danois et des Suédois et un certain nombre d'ouvrages modernes. Or, la base de cette distinction c'est que la première de ces littératures recèle une sensibilité rêveuse et profonde qui n'appartient pas à la seconde. Mme de Sta?l, tout en reconnaissant qu'on ne peut décider de la supériorité de l'un ou l'autre des deux genres par elle indiqués, déclare que ?toutes ses impressions, toutes ses idées la portent de préférence vers la littérature du Nord.? Et elle donne ainsi la raison de ce choix: ?Ce que
s à la mélancolie, qu'ils avaient parfaitement compris ?la douleur rêveuse dans les impressions solitaires.? Enfin il rappelait que les poésies les plus tristes avaient été composées par un arabe il y avait plus de trois mille ans. Un antagoniste plus redoutable encore, M. de Chateaubriand, dans une réponse adressée à M. de Fontanes, ne dédaignait pas d'entrer en lice contre Mme de Sta?l, et même il le faisait av
fre une héro?ne d'un caractère énergique et dont les troubles intimes ne proviennent que de la difficulté qu'elle éprouve à choisir entre plusieurs genres de sacrifices, mais qui n'en sent pas moins le fardeau de la vie: Delphine parle de ?la fatigue d'exister.? Ce mot, un de ceux dont on a depuis tant abusé, avait alors une nouveauté relative. Dans Corinne (1807), c'est Oswald qui représente la maladie moral
ous reportant au souvenir des malheurs de notre patrie, pourrait atténuer dans quelque mesure la gravité de cette erreur, si Mme de Sta?l n'avait témoigné plus tard encore, dans l'Allemagne, une facheuse complaisance pour la doctrine du suicide. Mais il serait injuste d'appuyer sur cette faiblesse, puisque l'écrivain l'a désav
sa vie, y avait laissé un vide profond. Jamais elle n'avait pu se consoler de l'exil ni de sa demi-solitude de Coppet. Elle n'avait pu d'avantage s'accoutumer à la pensée des maux de la France livrée tour à tour à l'anarchie ou au despotisme. Enfin les littératures étrangères, avec lesquel