Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1/4
ard, et principalement pour ce qui concerne les contributions, chacun des deux partis avait des principes différe
rdra ainsi les revenus qu'ils rapportent au trésor de l'Etat,? il lui répondit: ?Je serais bien heureux si les dhimm?s se faisaient tous musulmans, car Dieu a envoyé son Prophète comme ap?tre et non comme collecteur d'imp?ts[279].? Haddjadj pensait autrement. Il s'intéressait peu à la propagation de la foi et il était obligé, pour conserver les bonnes graces du calife, de remplir le trésor. Il n'avait donc point accordé aux nouveaux musulmans de l'Irac l'exemption de payer la capitation[280]. Les Caisites imitaient constamment et partout l'exemple qu'il leur avait donné, et en outre, ils traitaient les vaincus, musulmans ou non, avec une morgue insolente et une dureté extrême. Les Yéménites au contraire, s'ils ne se conduisaient pas toujours envers ces malheureux avec plus d'équité et de douceur alors qu'ils étaient au pouvoir, associaient du moins, quand ils étaient dans l'opposition, leur voix à celle des opprimés pour blamer l'esprit de fiscalité qui animait leurs rivaux. Aussi les peuples vaincus, quand ils voyaient les Yéménites revenir au pouvoir, se promettaient des jours filés d'or et de soie; ma
naient de moins en moins rares au fur et à mesure que les m?urs se corrompaient et que l'amour de la tribu cédait le pas à l'ambition et à la soif des richesses. Nommé gouverneur de l'Afrique par le caisite Yéz?d II, ce Bichr envoya en Espagne un de ses contribules, nommé Anbasa, qui fit payer aux chrétiens de ce pays un double tribut[282]; mais lorsque le yéménite Hicham
c'est-à-dire la démocratie tempérée par l'influence des familles nobles, ils devinrent pour les Arabes, quand ceux-ci tentèrent de les assujettir, des ennemis bien autrement redoutables que ne l'avaient été les soldats mercenaires et les sujets opprimés de la Perse et de l'empire byzantin. Chaque succès, les agresseurs le payèrent d'une défaite sanglante. Au moment même où ils parcouraient le pays en triomphateurs jusqu'aux bords de l'Atlantique, ils se voyaient tout à coup enveloppés et taillés en pièces par des hordes innombrables comme le sable du Désert. ?Conquérir l'Afrique est chose impossible, écrivait un gouverneur au calife Abdalmélic; à peine une tribu berbère a-t-elle été exterminée, qu'une autre vient prendre sa place.? Pourtant les Arabes, malgré la difficulté de cette entreprise, et peut-être même à cause des obstacles qu'ils rencontraient à chaque pas et que l'honneur leur commandait de su
s à contenter sa passion dominante, la soif de l'or. Leur ayant donc livré les provinces qu'ils savaient pressurer si bien, il en tira plus d'argent qu'aucun de
e sur nous. Et qu'arrivera-t-il si le calife apprend ce qui s'est passé? Ne se mettra-t-il pas en colère quand il saura que vous avez fait plus d'honneur à un tel homme qu'aux Coraichites?-Vous avez raison, mes fils, leur répondit Obaidallah; je ne trouve rien pour m'excuser, et je ne ferai plus ce que vous me reprochez.? Le lendemain matin il fit venir Ocba et les nobles dans son palais. Il les traita tous avec respect, mais il donna la place d'honneur à Ocba, et, s'étant assis à ses pieds, il fit venir ses fils. Quand ceux-ci furent entrés dans la salle et qu'ils contemplèrent ce spectacle avec surprise, Obaidallah se leva, et, après avoir glorifié Dieu et son prophète, il rapporta aux nobles les discours que ses fils avaient tenus la veille, et continua en ces termes: ?Je prends Dieu et vous tous à témoin, bien que Dieu seul suffise, quand je déclare que cet homme que voici, est Ocba, fils de ce Haddjadj qui a donné la liberté à mon grand-père. Mes fils ont été séduits par le démon, qui leur a inspiré un fol orgueil; mais j'ai voulu donner à Dieu la preuve que moi du moins, je ne suis point coupable d'ingratitude et que je sais ce que je dois à l'Eternel ainsi qu'à cet homme-là. J'ai voulu faire cette déclaration en public, parce que je craignais que mes fils n'en vinssent à nier un bienfait de Dieu, à désavouer cet homme et son père pour leurs patrons; ce qui aurait eu pour suite inévitable q
optes; et ce peuple, d'ordinaire fort pacifique et qui jamais encore, depuis qu'il vivait sous la domination musulmane, n'avait fait un appel aux armes, avait été exaspéré à un tel point par cette mesure arbitraire, qu'il s'était insurgé en masse[292]. Promu au gouvernement de l'Afrique, il se fit un devoir de contenter, aux dépens des Berbers, les go?ts et les caprices des grands seigneurs de Damas. Comme le duvet des mérinos, dont on fabriquait des vêtements d'une blancheur éclatante, était fort recherché dans cette capitale, il faisait arracher aux Berbers leurs moutons, qu'on égorgeait to
murmuraient, ils accumulaient dans leurs c?urs des trésors de ha
dignes. Quand des circonstances graves ont nécessité une réunion de tribus, ce sont eux encore qui recueillent les diverses opinions; ils en délibèrent entre eux, et font conna?tre leur décision au peuple. Leurs habitations communes sont réparées, pourvues, par le peuple, qui prévient tous leurs v?ux[295]. Chose étrange et curieuse: les Berbers ont plus de vénération pour leurs prêtres que pour le Tout-Puissant même. ?Le nom de Dieu, dit un auteur fran?ais qui a consciencieusement étudié les m?urs de ce peuple, le nom de Dieu, invoqué par un malheureux que l'on veut dépouiller, ne le protége pas; celui d'un marabout vénéré le sauve[296].? Aussi les Berbers n'ont-ils joué un r?le important sur la scène du monde que lorsqu'ils étaient mis en mouvement par un prêtre, par un marabout. C'étaient des marabouts que ceux qui ont jeté les fondements du vaste empire des Almora
moyens propres à multiplier les prosélytes, et pour peu que l'on consent?t à prononcer les mots: ?Il n'y a qu'un seul Dieu, et Mahomet est son prophète,? on était dispensé de payer la capitation, sans être obligé de se conformer strictement aux préceptes de la religion. Un jour que le gouverneur du Khorasan écrivit à Omar en se plaignant de ce que ceux qui en apparence avaient embrassé l'islamisme ne l'avaient fait que pour échapper à la capitation, et en disant qu'il avait acquis la certitude que ces hommes ne s'étaient pas fait circon
ur les principes politiques du système, qui, au contraire, répondaient assez à l'instinct républicain de la nation, mais parce qu'il ne voulait ni prendre la religion au sérieux, ni accepter l'intolérante moralité par laquelle se distinguaient ces sectaires. En revanche, les habitants des pauvres chaumières africaines acceptèrent tout avec un enthousiasme indicible. Simples et ignorants, ils ne comprenaient rien sans doute aux spéculations et aux subtilités dogmatiques dans lesquelles se complaisaient des esprits plus cultivés. Il serait donc inutile de rechercher à quelle secte ils s'attachèrent de préférence, s'ils étaient Harourites, ou Cofrites, ou Ibadhites, car les chroniqueurs ne sont pas d'accord à ce sujet; mais ils comprenaient assez de ces doctrines pour en embrasser les idées révolutionnaires et démocratiques, pour partager les romanesques espérances de nivellement universel qui animaient leurs docteurs, et pour être convaincus que leurs oppresseurs étaient des réprouvés dont l'enfer serait le partage. Tous les califes, à partir d'Othman, n'ayant été que des usurpateurs incrédules, ce n'était pas un crime que de se révolter contre le tyran qui leur arrac
se rasent la tête et attachent des Corans aux pointes de leurs lances, selon la coutume des non-conformistes[300], donnent le commandement à un des leurs, à Maisara, un des plus zélés sectaires, à la fois prêtre, soldat et démagogue, attaquent la ville de Tanger, s'en emparent, égorgent le gouverneur de même que tous les autres Arabes qu'ils y trouvent, et, appliquant leurs doctrines dans toute leur inhumaine rigueur, ils n'épargnent pas même les enfants. De Tanger, Maisara marche vers la province de Sous, gouvernée par Isma?l, fils du gouverneur Obaidallah. Sans attendre son arrivée
oie des troupes, elles sont battues. Il s'embarque en personne avec des forces plus considérables, arrive sur la c?te de l
é toutes les troupes disponibles, il en confia le commandement au Fihrite Khalid, en lui promettant de le renforcer par les corps de Hab?b, dès qu'ils seraient arrivés. Khalid se mit en marche, rencontra Maisara dans les environs de Tanger, et lui livra bataille. Après un combat acharné, mais qui ne fut pas décisif, Maisara se retira dans Tanger, où ses propres soldats l'assassinèrent, soit que, déjà habitués à voir la victoire se déclarer pou
r les derrières des Arabes qui, se trouvant pris entre deux feux, s'enfuient dans un épouvantable désordre; mais Khalid et les nobles qui l'entourent, trop fiers pour survivre à la honte d'une telle défaite,
nd il eut appris le désastre de Khalid; et bient?t l'Afrique ressembla à un vaisseau échoué qui n'a plus ni voile ni pilote, Obaidallah ay
nir six mille soldats chacun; le cinquième, celui de Kinnesr?n, devait en fournir trois mille. A ces vingt-sept mille hommes devaient se joindre trois mille soldats de l'armée d'Egypte et toutes les troupes africaines. Hicham donna le commandement de cette armée et le gouvernement de l'Afrique à un général caisite, vieilli dans le métier de la guerre, à Colthoum, de la tribu de Cochair. Au cas où Colthoum viendrait à mo
irent à Hab?b, qui était encore campé près de Tahort, pour l'en informer. Hab?b fit parvenir aussit?t une lettre à Colthoum, dans laquelle il lui disait: ?Votre insensé de neveu a osé dire qu'il est venu pour s'établir dans notre pays avec ses soldats, et il est allé jusqu'à menacer les habitants de nos villes. Je vous déclare donc que si votre armée ne les laisse pas en repos, ce sera contre vous que nous tournerons nos armes.? Colthoum lui fit des excuses et lui annon?a en même temps qu'il viendrait le joindre près de Tahort. Il arriva en effet; mais bient?t le Syrien et l'Africain se querellè
e, les villages des environs. Colthoum voulut suivre ce conseil prudent, mais le fougueux Baldj le rejeta avec indignation. ?Gardez-vous de faire ce qu'on vous conseille, dit-il à son oncle, et ne craignez pas les Berbers à cause de leur nombre, car ils n'ont ni armes ni vêtements.? Et en ceci Baldj disait vrai: les Berbers étaient mal armés, ils n'avaient pour tout vêtement qu'un pagne, et d'ailleurs ils n'a
s Baldj, qui était resté à cheval avec environ sept mille des siens, tenta une nouvelle attaque. Cette fois il réussit à rompre les rangs des Berbers, et sa charge impétueuse le conduisit derrière leur armée; mais aussit?t quelques corps berbers firent volte-face pour lui couper la retraite, et les autres combattirent Colthoum avec tant de succès que Hab?b, Mogh?th et Haroun furent tués, et que les Arabes d'Afrique, privés de leurs chefs et d'ailleurs mal disposés contre les Syriens, prirent la fuite. Colthoum résistait encore avec les fantassins de la Syrie. Un coup de sabre lui ayant écorché la tête, dit un témoin oculaire, il remit la peau à sa place avec un sang-froid p
, force lui fut de prendre la direction opposée. Poursuivis sans relache par les Berbers, qui s'étaient jetés sur les chevaux des ennemis tués dans le combat, les cavaliers syriens arrivèrent près de Tanger, exténués de fatigue. Après avoir essayé en vain de pénétrer dans cette ville, ils prirent la route de Ceuta, et, s'étant emparés de cette place, ils y réunirent quelques vivres, ce qui, grace à la fertilité de la contrée environnante, ne leur fut point difficile. Cinq ou six fois les Berbers vinrent les attaquer; mais comme ils ne savaient comment s'y prendre quand il s'agissait d'assiéger une