Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1/4
se jeta dans Cark?sia, forteresse de la Mésopotamie, située à l'est de Kinnesr?n, là où le Khabour (Chaboras) se jette dans l'Euphrate. Peu à peu Cark?sia devint le rendez-vous g
s dans le désert de Semawa, ne faisaient point de quartier, poussaient la cruauté jusqu'à é
punissons. Dans le désert de Semawa il n'y a plus de s?reté pour vous; quittez-le donc, emmenez avec v
e fléau des alentours, mais après tout ce n'était qu'un nid de brigands qui ne pouvait inspirer à Merwan de sérieuses ala
'entra?nement, la négation au-dessus de l'espérance. Ils n'adoraient qu'un Dieu et ne sacrifiaient qu'à lui. Ce Dieu, c'était le plaisir, le bonheur des sens. L'élégant, le spirituel Omar ibn-ab?-Rab?a, l'Anacréon des Arabes, avait écrit leur liturgie. Les deux nobles les plus considérés et les influents de Ba?ra, Ahnaf et Haritha, représentaient à merveille les deux nuances de ce parti. Le nom du premier se trouve mêlé à tous les événements de cette époque; mais il ne fait guère autre chose que donner des conseils; il parle toujours, jamais il n'agit. Chef des Tém?m, il jouissait dans sa tribu d'une considération si illimitée, que Moawia Ier avait coutume de dire: ?S'il se met en courroux, cent mille Tém?mites partagent sa colère, sans lui en demander la cause.? Heureusement il n'en était pas capable; sa longanimité était proverbiale; même quand il appelait sa tribu aux armes, on savait qu'il ne le faisait que pour complaire à la belle Zabra, sa ma?tresse, qui le dominait complétement. ?Zabra est de mauvaise humeur aujourd'hui,? se disaient alors les soldats. Comme il observait la juste mesure
ait un poète de sa famille, que de voir Haritha assister à la prière publique, lui qui est aussi incrédule qu'on peut l'être[168].? Mais il était d'une courtoisie exquise; on vantait sa conversation à la fois enjouée et instructive[169]; et puis, il se distinguait honorablement de ses concitoyens par sa bravoure. Car il faut bien le dire: les Iracains étaien
yants sincères et fervents. Mais ces deux sectes qui se confinaient presque au point de départ, se séparèrent
u pouvoir, ils s'en tenaient aux belles paroles du Coran: ?Tous les musulmans sont frères.? ?Ne nous demandez pas, disaient-ils, si nous descendons de Cais ou bien de Tém?m; nous sommes tous fils de l'islamisme, tous nous rendons hommage à l'unité de Dieu, et celui que Dieu préfère aux autres, c'est celui qui lui montre le mieux sa gratitude[171].? Mais aussi, s'ils prêchaient l'égalité et la fraternité, c'est qu'ils se recrutaient parmi la classe ouvrière plut?t que parmi la noblesse[172]. Justement indignés de la corruption de leurs contemporains, qui s'adonnaient sans scrupule, sans honte, à toutes les dissolutions et à tous les vices, croyant qu'il suffisait, pour effacer tous les péchés, d'assister aux prières publiques et de faire le pèlerinage de la Mecque, ils prêchaient que la foi sans les ?uvres est insuffisa
sent bornés à déclarer que les chefs du parti orthodoxe, les soi-disant saints de l'islamisme, tels que Talha, Zobair, Al? et A?cha, la veuve du Prophète, n'étaient que des hypocrites ambitieux; mais ils allèrent plus loin. Sans compter qu'à l'exemple des orthodoxes de Médine ils traitaient les Omaiyades d'incrédules, ils contestaient aux Coraichites le droit exclusif au califat; ils niaient hardiment que le Prophète e?t dit que le gouvernement spirituel et temporel n'appartenait qu'à cette tribu. Chacun,
e l'ame il devait regarder comme les véritables disciples de Mahomet! Ce n'est pas qu'ils fussent à craindre pour le moment: vaincus par Al? en deux sanglantes batailles, ils ne prêchaient plus en public, ils se cachaient, ils avaient même déposé leur chef parce qu'il désapprouvait leur inaction, leur commerce avec les Arabes qui n'étaient pas de leur secte[177]; mais c'était-et leurs ennemis le savaient bien-c'était un tison enfoui sous les cendres qui n'attendait que l'air p
s la prison, étonna jusqu'à son ge?lier par sa piété exemplaire et son éloquence persuasive. ?Votre doctrine me semble belle et sainte, lui dit le ge?lier, et je veux vous rendre service. Je vous permettrai donc d'aller voir votre famille pendant la nuit, si vous me promettez de revenir ici au lever de l'aube.-Je vous le promets,? lui répondit le non-conformiste, et depuis lors le ge?lier le laissait sortir chaque soir après le coucher du soleil. Mais une nuit que le non-conformiste était avec sa famille, des amis vinrent lui dire que le gouverneur, irrité de ce qu'un de ses bourreaux avait été assassiné, avait donné l'ord
e de mort, refusa de se cacher comme ses amis le lui conseillaient. ?S'il me fait arrêter, tant pis pour lui, car Dieu l'en punira, dit-elle; mais je ne veux pas qu'un seul de no
mée, mais qui ne contentait pas les exaltés du parti. Et en effet, au point de vue de la secte, et même des musulmans en général, la patiente résignation aux supplices, loin d'être un mérite, était une faiblesse. L'Eglise musulmane est une Eglise essentiellement militante et elle l'est dans un autre sens que l'Eglise catholique. Aussi les exaltés reprochaient-ils aux modérés leur commerce avec les brigands et les incrédules[185], leur inaction, leur lacheté, et les poètes, s'associant à ce blame, faisaient un appel aux armes[186], lorsqu'on apprit que l'armée de Moslim allait attaquer les deux villes saintes. Ce fut un moment décisif dans la destinée de la secte, dont Nafi, fils d'Azr
tirèrent de leurs principes les conséquences les plus rigoureuses, et puisèrent dans le Coran, qu'ils interprétaient comme certaines sectes de l'Angleterre et de l'Ecosse ont interprété la Bible au XVIIe siècle, des arguments pour justifier leur haine implacable et la sanctifier. Les autres Arabes étant tous ou des incrédules ou des pécheurs, ce qui revenait au même, il fallait les extirper s'ils refusaient d'accepter les croyances du peuple de Dieu, attendu que Mahomet n'avait la
pulence excessive et d'une parfaite nullité. Toutefois, comme ils avaient à sauver leurs biens, leurs femmes, leurs enfants et leur propre vie, la gravité du péril leur rendit un peu d'énergie, et ils allèrent à la rencontre de l'ennemi avec plus d'empressement et de courage qu'ils n'en montraient d'ordinaire quand il fallait combattre. On en vint aux prises près de Doulab et l'on se battit pendant tout un mois. Nafi fut tué dans un de ces combats; de leur c?té, les Arabes de Ba?ra perdirent les trois généraux qui se succédèrent dans le commandement[190], et à la fin, fatigués par une si longue campagne, découragés
lle ne virent d'autre moyen de salut que de se coaliser avec Ibn-Zobair et de le reconna?tre pour calife. C'est ce qu'ils firent. Ibn-Zobair leur envoya un gouverneur. Ce gouverneur c
est là toute
as, lui répondit Haritha; ils vous donn
dédain, avant de me mettre à table,
ois rangés en bataille, ce
vous, Haritha, que savez-vous de la guerre?.
d'avoir eu à essuyer de cet étranger, de ce piétiste, le double reproche de lache
re, lorsque Haritha, ramassant l'étendard tombé à terre et rangeant ses contribules en bataille, arrêta l'élan de l'armée ennemie. ?Si Haritha n'e?t pas été là, disait avec raison u
dont il avait absolument besoin pour soutenir les efforts de l'ennemi. Pressé de plus en plus, le brave guerrier ne put sauver son armée épuisée que par une retraite qui ressemblait à une fuite. Poursuivi par l'ennemi, l'on arriva au Petit-Tigre et l'on se jeta précipitamment dans des bateaux pour le passer. Les barques étant déjà au milieu du fleuve, Haritha entendit les cris de
'autres se préparaient à les suivre, et la peur qu'inspiraient les terribles têtes rasées était si grande, si universelle, que le gouverneur ne trouva plus personne qui voul?t se charger du commande
r[194],? il fallait leur opposer des soldats non-seulement aguerris et bien disciplinés, mais animés, à un égal degré, de l'enthousiasme religieux. Et il opéra un miracle: il sut transformer les sceptiques Iracains en croyants zélés, leur persuader que les non-conformistes étaient les ennemis les plus acharnés de l'Eternel, leur inspirer le désir d'obtenir la couronne du martyre. Quand les courages chancelaient, il attribuait hardiment à Mahomet des paroles prophétiques qui promettaient la victoire à ses soldats[195], car, par un singulier contraste, le talent de l'imposture lui était aussi naturel qu'un magnanime courage. Alors les soldats
e, pour repousser les non-conformistes, une autre secte, celle des Chiit
res, les descendants des dieux, des génies célestes, des divinités, transportaient aux chefs de la nouvelle religion la vénération qu'ils accordaient précédemment à leurs souverains[200]. Car les Chiites étaient une secte essentiellement persane; ils se recrutaient de préférence parmi les affranchis[201], c'est-à-dire parmi les Persans. De là vient aussi que cette secte donnait à ses croyances l'aspect formidable d'une guerre aveugle et furieuse contre la société: ha?ssant la nation dominante et lui enviant ses richesses, ces Persans demandaient leur part des biens d'ici-bas[202]. Leurs chefs, toutefois, étaient ordinairement des Arabes, qui exploitaient à leur profit la crédulité et le fanatisme de ces sectaires. A cette époque ils se laissaient guider par Mokhtar, esprit à la fois audacieux et souple, violent et fourbe, héros et scélérat, tigre dans la colère et renard dans la réflexion. Tour à tour non-conformiste, orthodoxe-Zobairite, comme on disait alors-et Chiite, il avait passé par tous les partis, depuis celui qui représentait la démocratie jusqu'à celui qui prêchait l'absolutisme; et pour justifier ces variations continuelles, bien propres à inspirer des doutes sur sa sincérité et sa bonne foi, il s'était créé un Dieu à son image; un Dieu essentiellement variable, qu
ves comme ils disaient[204], n'avaient attendu que ce moment; mais Mokhtar sut gagner du temps en les leurrant de protestations et de promesses, et il en profita pour envoyer à son général Ibrah?m l'ordre de revenir au plus vite. Au moment où ils s'y attendaient le moins, les rebelles virent Ibrah?m et ses Chiites se ruer sur eux, l'épée au poing. Quand la ré
he d'alliance était pour les enfants d'Isra?l. Placez-le dans la mêlée, là où elle sera la plus sanglante, et sachez le défendre[205].? Puis il ajouta: ?Si vous remportez la victoire, ce sera parce que Dieu vous aura aidés; mais ne vous laissez point décourager dans le cas où vous éprouveriez un échec, car il m'a été révélé qu'alors Dieu enverra à votre secours des anges, que vous verrez voler près des nuages sous la forme d
née en criant: ?Les anges, les anges!? un autre cri se fit entendre dans l'aile gauche de l'armée syrienne. Elle était entièrement composée de Caisites; Omair, l'ancien lieutenant de Zofar, la commandait. La nuit précédente il avait eu une entrevue avec le général des Chiites. Renversan
es plus grands préparatifs pour attaquer les Zobairites dans l'Irac. Pour ne pas laisser d'ennemi derrière lui, il commen?a par assiéger Cark?sia, où Zofar jouait un r?le fort étrange. Tant?t il prétendait combattre pour Ibn-Zobair, tant?t il fournissait des vivres aux Chiites et leur proposait de marcher avec eux contre les Syriens[208]. Tous les ennemis des Omaiyades, quelque différentes que fussent leurs prétentions, étaient pour lui des alliés, des amis. Assiégé par Abdalmélic qui, sur les remontrances des Kelbites, tenait prudemment ses soldats caisites hors de combat, Zofar défendit son repaire avec une opiniatreté extrême; une fois même, ses soldats firent une sortie si vigoureuse, qu'ils pénétrèrent jusqu'à la tente du calife; et comme celui-ci était pressé d'en finir pour pouvoir marcher contre Mo?ab, il entama une négociation, qu'il rompit quand la destruction de quatre tours lui eut rendu l'espoir de prendre la ville de vive force, et qu'il renoua quand l'assaut eut été repoussé. Au prix de quelque argent qui serait distribué entre les soldats du calife, Zofar obtint les conditions les plus honorables: l'amnistie pour ses frères d'armes, pour lui-même le gouvernement de Cark?sia[209]. Pour contenter sa fierté, il stipula en outre qu'il ne serait forcé de prêter serment
rrait le brigand de Cark?sia, qui souvent avait été sur le point d'exterminer toute sa tribu, celle de Taghlib. ?Je vais, dit-il, frapper un coup qu
lui qui en boit trois rasades sans mélange d'eau sent na?tre en lui le désir de répandre des bienfaits. Il marche en
ces vers? lui dit le calife. Tu a
de vous sur votre tr?ne cet homme qui disait hier: ?Sans doute l'herbe repoussera sur la terre fra?chement remuée qui couvre l
ants d'une haine farouche, il donna un violent coup de pied dans la poitrine de Zofar et le renversa de dessus le
à combattre pour qui que ce f?t, et n'ayant, à plus forte raison, nulle envie de se faire tuer pour un prétendant qu'ils méprisaient, ils avaient prêté une oreille avide aux émissaires d'Abdalmélic, qui parcouraient l'Irac en prodiguant l'or et les plus séduisantes promesses. Mo?ab était donc entouré de généraux qui s'étaient déjà vendus aux Omaiyades et qui, la bataille engagée, ne tardèrent pas à lui montrer leurs véritables sentiments. ?Je ne veux pas, lui répondit l'un quand il lui ordonna de charger, je ne veux pas que ma tribu périsse en combattant pour une cause qui ne la touche en rien.?-?Eh quoi! vous m'ordonnez de marcher vers l'ennemi? lui dit u
de tout bon musulman de combattre Abdalmélic, ce fils d'un maudit, Mohallab imita l'exemple de ses compatriotes aussit?t qu'il eut re?u le dipl?me par lequel le calife omaiyade le confirmait dans toutes ses charges et dignités. Voilà de quelle manière les Iracains, même les meilleurs, comprenaient l'honneur et la loy