L'Ame de Pierre
nuages, avait été aper?u par les douaniers embusqués sur la falaise. Deux détonations, un sifflement aigu à ses oreilles, un peu d'écume sautant sous le coup
ouffé par les flots, inconscient de ses suprêmes efforts. Il le saisit vigoureusement, lui leva la tête hors de l'eau, et, d'une voix puissante, poussa un cri qui, vibrant de lame en lame, parvint jusqu'à la barque. L'homme qui tenait la barre, à cet appel, regarda avec a
sa poitrine. Maintenant des paquets de mer lui passaient par-dessus la tête, il ne fendait plus, alerte et léger, les vagues, de ses bras dispos. Il lui semblait qu'une puissance irrésistible l'entr
et inconnu qu'il tenait là, étroitement embrassé, comme un frère tendrement aimé. Il ne songeait pas à lui-même, il avait fait le sacrifice de sa
Un cri sourd sortit de sa bouche serrée par la contraction de tous ses muscles. Il battit l'eau de ses bras, pendant que ses jambes paralysées restaient sans mouvement. Un coup de houle le fit tourner, et le flot
'est cela que je ferais. Allons, un dernier effort pour qu'il ne meure pas avec moi. Il remonta à la surface, respira largement, revit le cie
pesamment sur lui. Il sentit une violente douleur au front, ses yeux éblouis aper?urent des millie
t vivement dans la nuit claire. Le foc serré claquait au vent, au-dessus de sa tête. La mer mugissait
te, qui acheva de lui rendre le sentiment exact des choses extérieures. Une br?lure au front lui rappela le choc sous lequel il s'était évanoui. Il porta la main à son visage et la retira ensanglantée. E
moi, comme tout me le prouve, d'abord donne
rins avec un accent proven?al. Alors permettez que j
un pantalon, des espadrilles, une chemise de laine et un épais caba
h! c'est que s'il n'a pas re?u l'avant du canot sur
la barque, soulevée par la houle, qui était retombée, de tout son poids, sur lui. Pendant qu'il réfléchissait, ses compagnons le dévêtissaient et le rhabillaient avec p
tournant vers les trois hommes qui le r
le camarade que vous avez ramené à
mêmes? demanda Pierre av
tants. L'un d'eux dit, en mauva
nous défier de lui. Que pe
ité. Et, d'ailleurs, pourrais-je vous nuire, que
pris? s'écria le P
emble que c'est un patois
tachons de passer en franchise, et à nos risques et périls, les ma
bandier
gés, au beau milieu de notre opération, par ces faillis-chiens de gabelous. Les marchandises sont entrées, moins deux ballots de Virginias, coulés à pic,
nt nommé pour arracher un homme à la mort au lieu de s'y livrer lui-même. La lenteur qu'il mit à répondre donna à penser, aux marins, qu'il avait des r
Au lieu de vous faire causer, il vaudrait mieux panser la plaie que vous avez au front. Elle a saigné, ce qui est bon pour les blessures à la
s rester sur le pont... Je n'ai pas le pi
vous
rume légère, un feu tournant luisait par instants. La brise fra?che emplissait, délicieuse, la poitrine du jeune homme. Au milieu de ces inconnus, il se sentit dégagé d'un poids écrasant. Il lui sembla qu'il n'était plu
rai, je
e chose? demanda le Proven?al q
ebande des cigares, vous avez bien d? en garder une petit
cil
es paroles. Il remonta bient?t, avec un paquet
'Agostino est tout à fait revenu à lui... Pauvre gar?on! S'il était r
z-vous To
it la main sur la
dit-il; e
uet, et tendant l
voilà
l'alluma avec soin et, avec une volupté
va le bateau,
?al hocha
r l'?le d'Elbe... Mais, allons-nous à Porto-Ferra?o ou aille
, bien serré dans son caban de laine, il abaissa le capuchon sur sa tête, s'adossa à un paquet de cordages en guise d'oreillers, et, les yeux au ciel resplendissant, f
. Brusquement le souvenir des événements, qui avaient rempli les courtes heures de cette nuit, lui revint. Il eut au coeur une commotion rapide, en constatant que son existence ancienne se trouvait complètement bouleversée, que rien de ce qu'il avait l'habitude de faire n
ma?tresse ce cri désespéré et haineux: ?Je fuis la vie que vous n'avez pas su me faire aimer.? A l'heure présente, ils devaient être dans la stupeur ou la tristesse. Il ne pouvait repara
toute matérielle! Passer de l'atmosphère troublante d'un boudoir de fille, de la chaleur viciée d'une salle de jeu, à l'apre et saine odeur de ce bateau, fendant l'air pur et la vague azurée! Ses poumons s'emplirent de la fr
n?al ven
ien dormi? d
me j
la mer s'ente
-nous? dem
, que vous apercevez sur la gauche, c'est Viareggio... Mais,
barbe et de cheveux, au teint olivatre éclairé par de grands yeux et
vec un violent accent italien, tu peux compt
ade, dit le peintre en
peine agé de vingt ans, et lui
.. Mais ce sont tes compagnons qui t'ont t
Tu coulais et tu ne m'as pourtant pas laché... Oh! tu viendras au pays p
err
ostino examin
ni un marin, ni un ouvri
e: je suis ouvrier...
ou de femmes, qui regardent par les fausses fenêtres des villas?... Peut-êt
s ton pays, je trouve de l'ouvrage
.. Mais si tu veux donner un coup de badigeon
Ce sera le prix de mon passage, si tu ne
andier... Ce que tu feras pour le bateau, nous l'accepterons
ia gaiement Pierre. Et peut-on sav
Bas
pas de préférence. Et pourvu que nous ne
air, loin de la France? demanda
s be
as fait quelq
is coup... Oui!
mme Salvator Rosa parmi les brigands. Mais la fréquentation des hommes qui m'entourent est-elle plus pernicieuse que celle des gens à qui je serrais quotidiennement la main? Il n'y a de changé que le ton et le costume. Encore, ceux-ci sont-ils plus accessibles à la générosité et à
uisantes, qui rempla?aient toutes ses préoccupations anciennes. Changé de milieu, il éprouvait, non pas une gêne, un souci, mais un contentement, une quiétude. Il lui semblait qu'il venait de s'évader d'une prison dans laquelle, depuis de longs mois, il végétait enfermé. Il fêtait son indépendance, son affranchissement. Ses yeux rafra?chis, et comme affinés, étaient frappés de mille détails qui lui échappaient la veille. La teinte verte de
rdait plus déjà de celle qui l'avait torturé, qu'un souvenir très effacé, et comme estompé par la distance. Son amour malsain avait
le passage des bateaux de pêche et la fuite des grands navires à vapeur se dirigeant, suivis de leur panache de noire fumée, vers Civita-Vecchia ou Naples. Le vent
ostino, et lui m
tte terre qui
us passerons, entre sa batterie et le cap Corse, pour gagner Bastia... Sans la brume de mer, vous distingueriez la neige sur le mont Cinto... Mais, vous verrez... C'est un beau pays. Et puis le monopole d
foi,
! venez
ire était dressé. Du pain, du jambon, un fromage de Gor
en montrant à Pierre une place auprès
fit honneur. Tout en mangeant, il remarqua
our parler? demanda-t-il tou
regarda tra
d'chose à nous raconter... Et puis, la mer empêche d'être causeur:
erre versant du vin dans un gobelet de fer-b
santé,
r verre, et grav
tre s
table, chacun se mit sur ses pieds et s'en fut à sa besogne. La journée passa av
int-Fran?ois; sur les hauteurs, la citadelle, et des ruines d'anciens donjons canonnés et br?lés pendant les guerres contre les Génois. Encadrant cet amphithéatre de maisons, qui s'étendait de la plage jusqu'à mi-flanc de la montagne, des jardins verdoyants et fleuris, où les orangers et les mimosas répandaient des senteurs exquises. Au-dessus de la ville, la brousse, cette courte et sèche végétation qui couvre les pentes de toutes les montagn
auveur, pendant que le canot suivait le
é de ses espadrilles. Il avait seulement pris, dans ses anciens habits, déformés par l'eau de mer, son argent et sa montre. A la devanture d'un liquoriste, établi sur le quai, i
de ce pas?
route pour le village... Nous avons une semaine d
r avec moi, ensuite tu
Agostino d'une voix tremblante... Je m'étai
iant; mais oublies-tu que j'ai promis au patron de lui
ga?ment. Mais combien te fa
inée de
r tu seras dispos
, ce
retenir la carriole du père Anton, tu
, c'est
antageusement connu pour les excellents comestibles de contr
t donc pour le retenir. Et puis, le charme de cette contrée admirable agissait sur lui. Tout ce qui l'entourait était fait pour le séduire: la nature sauvage et attrayante à la fois, les moeurs originales des habitants, enfin le mystère de son incognito, qui lui permettait de vivre, pendant un temps aussi long qu'il voudrait, au milieu de la basse classe, si intéressante à ét
me. Il n'éprouva pas une seconde d'ennui. Le mouvement de la population, grave et réservée, les habits pittoresques des gens de la camp
lot et ses espadrilles. Il trouva, chez un marchand de couleurs de la Traverse, une bo?te de peintre et quelques chassis de différentes grandeurs. Et, tranquille désormais sur la fa?on dont i
s le cotre. Un canot, pour quelques sous, le transporta jusqu'au petit batiment bien assis sur ses deux ancres, et à l'avant duquel une l
dages du bout-dehors, le regardaient avec admiration. Sous sa main, les tons s'étalaient éclatants, la figure prenait une apparence vivante, les yeux brillaient, le bras étendu semblait co
é la main de ceux à qui il devait plus que la vie, il monta avec Agostino dans un
dus de la montagne, se perdent dans les terres et forment des étangs couverts de roseaux, larges plaines verdoyantes, au-dessus desquelles volent des bandes de canards et d'oies sauvages. La route passe à mi-c?te, suivant le bord de la mer, traversant de rares vi
vin et notre vigne est importante. C'est mon beau-frère, maintenant, qui la cultive et l'exploite... Ma mère et ma plus jeune soeur habitent un hameau, qui dépen
onner au bord de la mer, dans le has pays. Il faut voir la rude Corse, celle des maquis et des bandits. S'il y a des croquis à faire, c'est du c?té de Bocognano, terre sainte de la vendetta... J'ai vingt louis dans mon porte-monnaie, et, dans mon portefeuille, un billet de mille francs
vant la barrière d'un enclos et sauta à bas de son siège. Un gros chien, qui accourait, en aboyant d'un air féroce, se jeta dans les jambes du jeune homme avec des hurlements de joie. Une vieille femme et une petite fille parurent dans le verger et s'avancèrent les mains tendues. Agostino les embrassa avec effusion, les poussa vers son sauveur, en expliquant son aventure, en patois c
ssance avec le beau-frère d'Agostino, qui était grand chasseur, avec sa soeur qui était bonne ménagère, joua avec la petite Marietta, qui de
que se laisser vivre. Retiré dans sa chambre, avant de s'endormir
tous ceux qui m'entourent ici, croient si fermement, m'a visiblement protégé. Pierre Laurier, tu étais sur une mauvaise route, mon gar?on. Par un miracle t'en voilà tiré. Profite de la faveur que la Providence t
mélancoliques. Clémence s'approchait du jeune malade et lui parlait tout bas avec animation, l'enla?ait peu à peu, s'emparant de lui, et le malade palissait, ses yeux devenaient plus profonds et plus sombres, ses lèvres plus blêmes. Alors les regards du peintre, se détournant vers Juliette, la voyaient triste mortellement, les m
e t'appartiens plus. Tu n'as
ux chataigniers, gardait ses chèvres. La nuit s'écoula dans ces agitations. Mais au réveil Pierre retrouva son calme et partit pour la chasse, avec Agostino et son beau-frère dans les marais de Bi
il se laissa donc faire violence et resta. Il commen?ait le portrait de la petite gardeuse de chèvres, et, dans ce calme, au milieu de cette splendide nature, toute la fra?cheur de son inspiration reconqu
qu'il restaurat les peintures de l'église, très curieuses, datant de l'occupation génoise, et dues au pinceau de quelque ma?tre italien. Laurier avait accepté la tache, et, no
rante et les splendeurs des cieux attestaient l'harmonie universelle, un certain Pierre Laurier avait voulu attenter à sa vie pour les yeux diaboliques d'une femme qui le martyrisait. Il e?t levé les épaules, allumé sa pipe, et juré qu'il n'y avait au monde qu'une seule chose qui val?t un effort, c'
maison, et dont l'arrivée avait éveillé l'ardente admiration des gens du hameau. On se rendait bien compte de la différence de condition sociale qui existait entre le peintre et ses h?tes. Le maire et le curé avaient décla
t-être, il serait intéressant, néanmoins, de s'assurer de son identité. L'administration n'y mit pas tant de formes et ordonna à la gendarmerie de Bastia de demander à l'étranger de fournir ses papiers. Heureusement, le brigadier eut l'idée de passer par la mairie et de raconter au maire l'objet de sa mission. Celui-ci, voyant aboutir ses menées à une bruta
ter des mines d'argent du c?té de Calvi, une voiture, venue de Bastia, déposa à l'auberge de Torrevecchio deux voyageurs, accompagnés de leurs domestiques, qui demandèrent à déjeuner. Le patron, questionné sur ce qu'il pouvait y avoir de curieux à voir dans le p
en grande valeur, d'un ma?tre fran?ais... Car le peintre
r, dit le prêtre,
t se no
l'ig
teur... Il est
ce pays, repri
un regard étonn
x mois, alo
mentalement un calcul
t pos
tout
s au moins
ur, il s'app
bleus, la moustache blonde, il est de taille
, il porte toute sa barbe, mais il a les
docteur... Du reste, il n'y avait que
monsieur? demanda le prêtre. Oh!
i le droit de vous dire que celui qui a travaillé pour vous est une de
our quelq
.. N'importe, il faut que je laisse,
le et, s'apprêtant à écrire sur la
ttez, monsi
sieur, répon
erre, tra?a ces simples mots: Et idem resurrexit Petrus... Et
z-lui cette inscription, il
entra à l'auberge, et
e ne pas sortir avec moi, vous avez
quoi
quand nous serons à bo
ent leurs cigares, montère
boucles d'oreilles en argent pour Marietta, et une agrafe de ceinture pour la mère. Il déjeuna gaieme
! s'écria Pierre. Qui nous
on dont on m'a c
Qui d
étra
mbrunit et, d'une voix u
peu de quoi
qu'à l'église, vous te sauriez
uis à
a moitié du trajet, il ne pronon?a pas une parole. Comm
ssuré que vous aviez enrichi notre église
ire. Il traversa la nef, arriva à sa Résurrection, et, avec une émotion qu'il ne pouvait contenir, sur le mur il lut l'inscripti
t la phrase latine
Il y a donc eu intervention divine? M
sourit au prêtre qui, interdit, le r
vention divine... Et
emblant faire un retour su
e de vous déranger. Ce que vous m'avez communiqué était
te baissée, il retourna
aucune surprise ne pouvait m'étre plus agréable. C'est moi qui ai rempli la pénible mission déporter à Beaulieu le mot dans lequel vous annonciez votre résolution fatale, heureusement inexécutée. Celui à qui vous donniez votre ame s'est, par un miracle de suggestion, ou par un effet de soudai
n face de la mer. Très calme, elle bleuissait, à perte de vue, sous le soleil. Des bateaux, au loin, dans la lumière, voguaient si doucem
n air de force exubérante, sur la terrasse de la maison de Beaulieu, parmi les verdures renaissantes. Tout s'éveillait dans la nature aux premières tiédeurs, et Jacques, plus ranimé que les plantes, plus épanoui que les fleurs, resplendissait d'une
instant devinée. Une voix se fit entendre à son oreille, qui murmurait: C'est toi qui es la cause de ses larmes, de sa souffrance et de sa langueur. On te l'a dit: elle meurt de ta mort. Tu n'avais qu'un mot à prononcer, et ce chaste coeur, plein de toi, s'ouvrait pour toi. C'é
égénéré par son austère retraite? Se sentait-il capable de mener une existence nouvelle? Aux prises avec les tentations, saurait-il y résister? Il frémit. Une tête brune et pale, aux yeux luisants, aux lèvres rouges, venait de lui appara?tre. Elle riait, avec un éclat sardonique, comm
féroce et froide, une sueur monta à son front, son coeur battit d'angoisse. Il envisagea, une seconde fois, la mort, et la jugea préférable à tant d'abjection. Il laissa aller, av
qu'il p?t être, il l'acceptait. Mais cette enfant douce et chaste n'était-elle pas innocente et ne méritait-elle pas d'être épargnée? Il implora, pour elle, l'apaisement et sollicita l'espérance. Puisqu'il avait ce bonheur d'être aimé d'e
sollicitée par un fait qui, en un instan
uyait de toute sa vitesse, mais le pillard gagnait sur elle, lan?ant, à chaque battement de ses ailes puissantes, un cri aigu. Pierre frappé se dit: C'est un présage. Si l'oiseau d
anté, le pauvre oiseau se dirigeait vers un petit bois de chênes verts, espérant s'y cacher. Mais son féroce ennemi devinant sa tactique, activait la poursuite. Pierre, le coeur serré, les mains frémissantes, e?t voulu donner de sa force à la fugitive, il voyait approcher l'instant où el
insi la réponse à sa demande av
'avait-il pas été amené là à point nommé pour mettre fin à ses angoisses? Mais, par un soudain retour de sa nature gouailleuse d'autre
ur où je l'ai abandonné, j'ai été perdu.
comme une énorme braise. Pierre se leva,