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L'Ame de Pierre

Chapter 2 No.2

Word Count: 8325    |    Released on: 30/11/2017

la falaise, s'élève une villa rose et blanche, qui baigne dans l'eau azurée sa terrasse fleurie d'orangers et de mimosas. Des sapins au tronc rouge, aux larges ramures, des genévriers

hère de ce coin abrité, où règne, tout le jour, une température de serre. Le soir, l'air y est vif et chargé des senteurs exquises exhalées par les arbres aux feuillages impérissables, par les plantes aux fleurs sans cesse renaissantes. De petits bateaux de pêche, venant de Beaulieu et allant à Monaco, croisent lentement au large et animent

enait de son père. Sa soeur Juliette, plus jeune de quatre ans, avait, par un contraste heureux, pris à sa mère toute sa grave sagesse. De sorte que si l'un pouvait préparer à la veuve de sérieux soucis, l'autre paraissait destinée à l'en consoler. Entre ces deux natures si diverses, Mme de Vignes, jusqu'à quarante ans, vécut dans une relative quiétud

agnons d'enfance, le peintre Pierre Laurier. Ces soirs-là, c'était fête au logis, et Juliette prodiguait ses plus tendres attentions à son frère, ses plus doux sourires à l'ami, qu'à tort ou à raison elle s'imaginait avoir une influence sur ces retours de l'enf

à masquer la confiante bonté de son coeur. Au milieu de ses fantaisistes discours, elle démêlait fort bien l'amour de son art, qui le tenait invinciblement, et, dans ses sorties fougueuses, elle voyait percer la passion du vrai et du beau. Elle avait, avec une pénétration singulière, deviné que le peintre faisait t

ujours avec étonnement qu'il l'entendait, quand elle se laissait entra?ner à parler, en quelques phrases timides, formuler des jugements d'une surprenante justesse. Il ne lui en attribuait pas

ait à Laurier, pour la protection dont il couvrait son frère. Là, elle n'imitait pas, elle ne répétait pas. C'était le coeur même de l'enfant qui parlait, et le peintre, s

r un cadeau de fête. Tant qu'elle avait été petite fille, c'étaient des poupées extraordinairement habillées de robes magnifiques, faites au go?t du peintre et taillées d'après ses indications, comme si elles devaient poser pour un de ses tableaux. Chaque fois qu'i

hein?... C'est une Véniti

ans, il pensa que les joujoux commen?aient à être hors de saison, et il se mit en quête d'un cadeau sérieux. Il jeta son dévolu sur une petite bo?te à ouvrage du XVIIIe siècle, garnie de charmants ustensiles en

us en faire les honneurs. Aussi, tu penses, quel souci! Il a fallu que la coiffure fut également changée... N

gauche, toute changée, mais cependant charmante, entra dans le salon. Elle ne courut pas vers le peintre, comme à l'ordinaire, avec une gar?onnière

désapprouverais les petites boucles sur le front... Vous avez une jolie coupe de visage et les cheveux bi

e sa poche le

le! Moi aussi, je vous traite e

l'enfant, les yeux brillants

... Ce peintre a fait des folie

la robe longue et la nouvelle coiffure qui leur causait, à tous deux, cet embarras, ou bien l'évocation inattendue de la jeune fille, soudainement éclose en cette enfa

s, les regardant un

ous prend? Est-ce que vou

sage vers celui de sa petite amie. Elle se leva un peu sur la pointe des pieds, et, avec une émotion singulière, Laurier la sentit qu

sformation s'accomplissait en elle. Sa taille s'était fondue en une flexible rondeur, son teint s'était embelli d'un éclat velouté. Sa démarche, perdant les vivacités du premier age, devenait plus contenue et plus élégante. La chrysalide indiff

e et méprisable. Il pensa que le calme du foyer, la paix du coeur, la régularité des jours bien employés, devaient préparer aussi s?rement les belles oeuvres et qu'il y avait plus de chances d'inspiration dans la régularité du travail que dans le dérèglement des efforts

cette modification rapide des sentiments de son ami, heureuse ensuite de se croire aimée de celui qu'elle regardait comme un homme supérieur, eut bient?t à subir l'amertume d'une désillusion. La flamme, qui s'était allumée, et qui paraissait devoir br?ler si

t le peintre de repara?tre. Un soir que Jacques était venu seul passer quelques instan

est pas à Paris?

quitte presque point son atelier.

il était une concurrence qu'elle

ue fa

port

être un portrait ordinaire. Et cette oeuvre, à laquelle Pierre s'était voué ainsi avec passion, devait avoir une influence sur leur destinée à

est celui de que

e très

est-c

mme de

se

e, et, regardant sa

un peu ce que cela peut te faire de savoir que l'original

m'inté

a, elle a beaucoup de succès. Veux-tu conna?tre son age? Vingt-quatre ans, ou environ. Sa patrie? La belle Italie, pays du vermouth et de la mortadelle. Ses opinions? Partageuse, sinon pour l'argent

ne pouvait se défendre de juger mauvaise, et elle avait le soup?on qu'elle était aimée de celui à qui elle servait de modèle.

devinait blamé. Il en con?ut un mécontentement qui l'éloigna de celle qu'il respectait trop pour pouvoir, maintenant, songer à l'aimer. Il pensait: Tu t'es conduit, mon gar?on, comme un véritable dr?le, tu as risqué de troubler le coeur de cette enfant, pour satisfaire un commencement de caprice, puis tu as changé de sentiments et d'idées, au gré du

ne recherche plus la blancheur, la fra?cheur de la jeune fille. La neige, que nul n'a

était, pour l'autre, une grave cause d'affaiblissement physique. Si Pierre traversait, sans s'y consumer, l'enfer dévorant de la vie à outrance, Jacques, moins bien trempé, y usait ses forces et y épuisait sa vie. Laurier semblait de fer: il menait tout de front, le plaisir et le travail. Après l

ner près d'elle, de l'arracher à son existence meurtrière. Il promettait de venir, de se reposer, de rompre avec ses habitudes, ses amitiés, son train de plaisir. Il ne le pouvait pas, et, avec un désespoi

troublante et invincible, c'était ce portrait de Clémence Villa, dont les études avaient concordé d'une fa?on fatale avec le changement d'attitude de Pierre Laurier. Accompagnée par sa mère, qui ne se doutait guère des sentiments qui la

paré de son regard. D'un coup d'oeil, sans l'avoir jamais vue, elle l'avait reconnue. C'était elle, il ne pouvait y avoir d'erreur; nulle autre n'aurait eu cette be

regarda le portrait avec tran

Pierre Laurier... Oh! il est

te, coiffée d'un chapeau à grandes plumes, dans le coloris chatoyant des épaules, sortant d'un ravissant costume Louis XVI, dans la pose provocante de la main, appuyée sur une haute canne, dans le rayonnement des yeux et dans le charme du sourire, l

t tout haut le nom du peintre et celui du modèle, Mlle de Vignes souffrit affreusement. Deux jeunes gens, campés devant

il est so

ait écouter d'autres paroles qui éclaireraient plus cruellement le mystère dont elle

ment de la campagne: Jacques continuant dans les villes d'eaux, à Trouville, à Dieppe, son existence de plaisir, et faisant, à de plus longs intervalles, des apparitions chez sa mère; Pierre devenu tout à fait invisible, mais livré à une production acharnée, que révélait l'apparitio

ns parler, car elles voulaient se dissimuler leurs peines, marchant dans l'obscurité qui cachait la contraction de leur visage. Une sensation de vide profond les entourait. Les deux êtres qui, pour elles, comptaient seuls dans le monde étaient loin, et rien ne les intéressait plus. Le charme d'une nature splendide leur échappait. La douceur d

faisait d'elle une véritable femme. Sa mère prenait plaisir à la parer. La partialité, qu'elle avait toujours eue pour son fils, ne l'a

s vraiment

e sans parler. A quoi bon sa beauté! Celui, par

a mère. L'angoisse coupa court aux rêveries de la jeune fille. Elle adorait son frère et, venue sans retard avec sa mère, elle avait été épouvantée de l'état dans lequel elle le trouvait. A peine eut-il la force de se soulever, quand elles entrèrent dans sa chambre. Du beau Jacques, il ne resta

is il vivait. Et s'il voulait beaucoup se surveiller, il pouvait ainsi vivre longtemps. Ce n'était cependant pas assez pour Jacques d'avoir obtenu ce résultat, et le soulagement apporté à sa maladie ne le satisfaisait point. Avec les forces, les désirs étaient revenus, et l'impossibilité de les contenter lui causait une irritation qui s'épanchait en paroles amères, en violent

i. Il ne restait plus, tout le jour, étendu sur sa chaise longue, ou enfoncé dans sa guérite d'osier sur la terrasse. Il marchait, sortait en voiture, pendant les heures chaudes du jour. Et la distraction influait favorablement sur sa santé. Il se mont

it donc pu suivre sa fantaisie, dédaigner la clientèle, étudier à son aise l'humanité dans ses maux physiques et ses misères morales. Il avait pris sur l'imagin

u breuvage est dans l'ame de celui qui le boit. Ayant la certitude que l'eau sainte agira sur lui, il ressent déjà le bien espéré. C'est pourquoi il est inutile d'envoyer les incrédules à ces pèlerinages curatifs, de même qu'il ne faut pas faire assister les sceptiques à des séances de spiritisme. Ils ont, en eux-mêmes, des forces qui réagissent contre les efforts des adeptes, et qui neutral

, beaucoup plus avancées que la sienne, arrêtées d'abord et ensuite disparues, sans même laisser da traces. Et ceux qui en avaient été atteints, menant l'existence libre et joyeuse, comme les plus vigoureux et les mieux dispos. Oh! vivre, aller, venir, sans contrainte, sans inquiétude, se livrer à sa fantaisie, ne plus redouter le plaisir. échapper aux gardes-malades, aux médecins, mépriser les préca

si rudement ce genre de vie... Mais je suis un fou, odieux et stupide!... N'ayant plus l'énergie de demander mon pain au travail, je l'attends du hasard... Je joue,-quelle misère!-pour essayer de prendre à la banque l'argent que me réclame une dr?lesse que je méprise, qui me trompe et que je n'ai pas le courage de quitter... Et c'est là ce que tu regrettes? Ce sont ces heures, passées autour d'un

mi épouvanté par cette sombre colè

re à ceux qui t'aiment, à ta mère, à ta soeur... C'est pour elles qu'il faut te guérir, et c'est à elles seules qu'il faut penser. Ah! si j'avais auprès de moi un de ces êtres doux et charmants, dont l'affection console et guérit de toutes les souffrances, je trouverais le courage de me relever moralement et de redevenir un autre homme. Dans mes heures d'abattement l

t, dans l'expression souffrante de son visage, une de ces raisons de se corriger qu'il implorait de la destinée. Mais il ne s'inquiétait pas de l'effet que produisaient ses paroles. Il était tout à la sincère expression de son découragement. Insensé! L'espérance, ardemment

Paris, elle ne le voyait pas: il y avait donc progrès. Elle savait que la méchante femme était à Monte-Carlo; mais elle savait aussi que le peintre ne passait plus tout son temps auprès d'elle. Si la cha?ne était t

ait la terrasse de la Villa en cueillant des fleurs. Le temps était admirable, le bleu de la mer se confondait avec le bleu du ciel. Une brise délicieuse venait du large, chargée des senteurs salines.

coup d'oeil, de temps en temps, sur son fils, comme pour mesurer les progrès que le climat du Midi faisait faire à sa convalescence. Jacques, arrivé à la moitié de la terrasse, s'arrêta et, s'asseyant sur le parapet de pierre, tiède des rayons du soleil, il regard

n? Tu as bien dormi? Il me

es qui dévoraient les nuits jusqu'à l'aube, et, prena

tard! Il était di

s que, depuis notre installation ici, c'e

i les convives.... Et jamais les médecins ne

tant silencieuse, pui

t, ce docte

s qu'il prend volontiers. Je ne le crois, du reste, pas aussi diable qu'il tient à le p

qu'il voudra, pourvu qu'il te guérisse. C'est, en tous cas, un homme parfaitement élevé et du meilleur

té funeste...Ce sera, malheureusement, une des dernières visites qu'il nous fera:

nt le yacht, ancré dans

usse

des v?tres

e rêver. Son appartement est aménagé avec un luxe oriental fabuleux. Le service y est fait par des femmes vêtues de somptueux costumes. Le soir, en passant en barque le long du navi

pas, dit gaieme

cidera l'accompagner. Woreseff, qui adore les artistes, avait rêvé d'emmener un pe

té?... demanda Juliette a

dit, un autre voyage. Ma

le coeur serré, observait son frère, devinant la pénible sensation éprouvée par lui et ne pouvant vaincre le saisissement qui venait de s'emparer d'elle. Il semblait qu'ils fussent, l'un et l'autre, sous le coup d'un malheur, dont cette phrase avait été l'effrayant présage. Et ils se taisaient, assaillis p

endu, et s'avan?ait vers eux. Jacques se leva, et rassérénant

, dit-il en serrant la main de son ami. Com

urquoi cette attitude contrainte, cet abord silencieux? Que redoutait-il d'être obligé de dire? Quel événement lui imposait cette morne contenance

? demanda-t-il. Le sommeil a été

, le garda quelques se

t. Et on peut vous traiter

octeur, et, d'une vo

événement assez grave pour pouv

doff baissa affir

z à me le confie

répondit

ainte

baissa un peu la voix, de fa?on à n'ê

que j'attende que

venait de prononcer, avaient un rapport secret avec les idées qui la troublaient au moment où il était arrivé. L'image de Pierre Laurier s'évoqua dans son esprit, et elle était vague et pale, comme près de s'effacer dans le néant. La grave communication que Davidoff avait à faire était, elle n'en pouvait douter, relative au peintre. De quelle nature éta

redevint nette, elle retrouva le ciel clair, la mer bleue, et les verdures luxuriantes.

Vignes. Je crois que ton frère a

s'il dépendait de lui que le malheur redouté f?t ou ne f?

ient des touffes d'héliotropes embaumés. Ils demeurèrent une seconde hésitants devant ta révélation à deman

l donc, mon cher

me l'apprendre, et j'avoue que j'en suis encore tout bouleversé.... S'il n'était pas nécessaire que vou

mpit, et subiteme

ue de précautions! Co

vers une heure du matin, un tragique suicide a eu lieu, tout près de Monte-Carlo... Un homme s'est jeté de la falaise dans

ria Jacques

pports affectueux nous avons ensemble, m'a fait avertir, afin que

sourcils, subitement, comme tirés par une violen

u'un... qui me to

très

dernier adieu, et la tendit au malade. Celui-ci, avec une sorte d'effroi, prit le mince carré

ierre!... Est

le son de leur voix. Ils échangèrent un coup d'oeil plein d'horreur et de doute, tant la disparition de cet être rempli de santé et de vigueur, en quelques instants

Il déchiffrait tout haut cette écriture tremblée, tracée au crayon dans la nuit. Un attendrissement irrésistible étranglait sa voix. Il sentait bien que Pierre était las de sa souffrance et de sa dégradation, et qu

racontée Davidoff... Je te fais cadeau de mo

qu'un sanglot montait à ses lèvres. Il était bouleversé par la doule

nt, a d? éclater entre eux... Il est ressorti, et, depuis, on ne sait ce qu'il est devenu... Des fraudeurs ont occupé, toute la nuit, les gardes-c?tes sur la route d

rps? deman

... On pourra ainsi le déposer en terre sain

yés. Davidoff s'avan?a vivement, tira les persiennes et poussa une exclamation. A deux pas de la fenêtre, Juliette était étendue sans connaissanc

rte, elle venait d'apercevoir sa fille. La soulever dans ses bras fut, pour cette femme d'apparence chétive, l'affaire d'une seconde. E

t-il a

uillait les tempes, Jacques ne tendit pas à sa mère le billet qui lui léguait,

re es

du. Elle fit un mouvement, ouvrit les yeux, reconnut ceux qui l'entoura

tête; la mère alors, devinant le chaste secret du virginal amour de

es par le bras et l

vec des cris joyeux. Il sembla an docteur que son malade n'était plus le même. Il marchait d'un pas délibéré et non tra?nant, son corps se redressait, ses yeux, l'instant d'avant, caves et éteints, brillai

e sacrifice de deux êtres. Et mentalement, sur cette belle terrasse, sous ce ciel délicieux, il évoqua un couple amoureux, rayonnant, heureux, passant enlacé dans l'enivrant parfum des orangers en fl

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