Musiciens d'autrefois
LAMATION
que son modèle tragique était une tragédie idéale-la tragédie grecque, telle qu'on l'imaginait alors,-au lieu que le modèle de Lully et de Grétry fut la tragédie fran?aise de leur temps. Grétry allait au Théat
anter ma musique, allez
e la Viévil
à la Comédie sur les
lle n'est pas moins importante pour savoir comment
temporains et amis des poètes. Quand nous lisons Prometheus, ou Ganymed, ou Grenzen der Menschheit de Goethe, mis en musique par son ami Reichardt, nous sommes à peu près certains d'avoir la déclamation exacte de G?the. En effet, Reichardt, si soucieux de ne rien écrire, avant d'avoir, comme il disait, ?senti et reconnu que les accents grammatical, logique, pathétique et musical étaient bien d'accord?, notait, pour ainsi dire, ses lieder, sous la dictée de G?the, et sur des textes où G?the, en certains cas, avait marqué
s de la déclamation poétique du temps nous explique bien des traits du récitatif de Lully. Si Lully allait entendre et étudier la Champmeslé, la Duclos, Baron, et leurs camarades du T
ter exactement quelle était l
dans ses Mémoires sur la vie de son père. Ses assertions ne doivent pas êtr
ait enflée et chantante sont, je crois, dans l'erreur. Ils en jugent par la Duclos, élève de la Champmeslé, et ne font pas attention que la Champmeslé, quand elle eut perdu son ma?tre[273], ne fut plus la même, et que, venue sur l'age, elle poussait de grands éclats de voix, qui donnèrent un faux go?t aux comédiens. Lorsque Baron, après vingt ans de retraite, eut la faiblesse de remonter sur le théatre, il ne jouait plus avec la même vivacité qu'autrefois, au rap
ntendre: 1o que la Champmeslé, venue sur l'age, poussait de grands éclats de voix, et qu'elle avait, ainsi que la Duclos, son élève, une déclamation enflée et chantante; 2o que, d'après l'opinion courante, cette déclam
gnages vont pr
iens galants, parus
pèce de chant, et vous m'avouerez bien que la Champmeslé ne n
ne, la Champmeslé avait une déclamation chantante: il n'y a au
mer, et il a déclamé lui-même quelques endroits, avec toute la for
.. Seigneur, vous
. Racine, qui récitait aussi merveilleusement, le faisait dire à la Champmeslé... Il a dit en même temps que le t
a notation de Racine dans ce fameux passage de
sser la voix en pronon?ant les vers suivants, et c
rt ne m'e?t
pendoit de l'a
e amour m'e?t
ous ai
vous changez de visage!...? Ce port de voix extraordinaire dans la déclamation était excellent pour marquer le désordre d'esprit où Monime doit être, dans l'i
éhémence? et ?les grands traits outrés?. On a beaucoup parlé de ?la voix touchante? de la Champmeslé. Cette ?voix touchante? était prodigieusement sonore. Suiv
as jolie, ?laide de près?, dit Mme de Sévigné,-une voix puissante et pathétique, chan
sta la caractéristique de no
clamation tragique leur donne une idée du chant
te comparaison, Du
ait comme une mélodie constante, suivant
une tragédie: ?Praeclarum carmen est enim re
louerions un récit des
éclamation de la tragédie fran?aise était
l formait son style de déclamation;-si nous nous souvenons que ces mêmes tragédies de Racine servaient de début à la Champmeslé[283], ?sur les tons de laquelle Lully allait se former?, comme dit Lecerf,-nous arrivons à cette constatation qu'il alla
par conséquent, d'après le jugement de son père, ?avait parfaitement rendu le poète?;-à part aussi l'essai qu'il fit un jour de traduire en mus
uinault, et qu'il était incapable de faire de bonne musique sur des paroles énergiques, se
ironné d'une
a fille une m
sein, et d'u
pitant consultera
t affreux spectacle, et que les tons que Lully joignait au
conservée: car nous avons toutes les raisons de croire qu'elle e?
passait, au XVIIe siècle, pour plus doucereux et moins male que celui de Racine, il s'ensuit q
omment i
r d'un bouquet: c'en est vraiment le c?ur, la partie la plus soignée et la plus importante. En effet, dans ce siècle de l'intelligence, le récitatif repr
arfait. C'est un juste milieu entre le parler ordinaire[285] et l'art de la musique... Qu'y
que Juno
sa haine p
e Lully est au-dessus de nos autres ma?tres... Après lui, on peut trouver des airs et des symphonies qui valent ses airs et ses symphonies.? Mais son récitatif
, qui tordent leur échine, qui ont la danse de Saint-Guy et tombent en des convulsions,-comparez ce fouillis, ce bavardage, ce mouvement perpétuel, aux lignes simples, nettes et nues de Versailles, ou de la colonnade du Louvre.-Lully réalisa en musique une simplification du même ordre. Le go?t italien était pour les belles vocalises, les roulades, les ?doubles? (c'est-à-dire les répétitions ornées), les ornements de toute sorte. Ce go?t avait passé en France, dans les chansons de cour. Lully, éclairé par son bon sens, et certainement aussi par les conseils d'amis tels que Molière,-Lully, qui d'ailleurs n'était pas un mélodiste abondant, et que ne gênait point le trop-plein de son inspiration musicale, réagit vigoureusement contre ce go?t. Non seulement il répugnait à écrire des ?doubles? et des
f de Lully, et les actrices hasardaient de faire passer ces embellissements aux répétitions.-?Morbleu, mesdemoiselles?, disait Lully, se servant quelquefois d'un terme moins poli que celui-
à multiplier ou à réduire les accents rythmiques. Mais en dépit de tous ses efforts, sa déclamation, traduite en musique par Lully, est dominée, comme toute la déclamation du temps, par l'accentuation exagérée de la rime dans les vers courts, de la césure et de la rime dans les vers de douze syllabes. On trouve dans les o
7]
2
notonie de la ligne mélodique, il n'y a rien au monde de plus fastidieux: c'est le ro
a césure. Ainsi, la scène admirable, et d'ailleurs à peu près unique, chez Lully, pour sa spontanéité musicale, des Adieux de Cadmus à Hermione. La mesure y garde un flottement perpétuel: toujours une mesure à quatre temps alterne avec
0]
la scène, ?quand il la lisait, comme dit La Viéville, jusqu'à la savoir
matique l'emporte par moments s
2
e vers, le procédé de Lully, assez habile, mais uniformément répété, est de placer l'interjection à contretemps, d'y sus
se se défendre, Ah!... qu'il est bea
rs de la paix. Ah!... que
très accentuée, mais grossie par l'adjonction d'un battement de gosier, d'un trille.-On pense
faut le dernier vers. Voilà ce qui attir
sens n'est achevé qu'au second?; et il s'indigne contre ces chutes uniformes de la voix à la fin des vers, ?ces cadences parfaites, qui tombent si lourdement, et sont la mort de l'expression?.-Ri
éclamés, passons à leur
il se sert pour le combattre,-et, du même coup, pour combattre le modèle de Lully: la Comédie-Fran?aise,-d
n'a rien de vif ni de passionné, rien qui doive engager celle qui le fait à élever ou abaisser la voix. Faites ensuite réciter par une de nos actrices ces mêmes vers sur la note du musicien, et tachez, si vous le pouvez, de supporter cette extravagante criaillerie, qui passe à chaque instant de bas en haut et de haut en bas, parcourt sans sujet toute l'étendue de la voix, et suspend le récit hors de propos pour filer de beaux sons sur des syllabes qui ne signifient rien, et qui ne forment aucun repos dans le sens.-Qu'on joigne à cela les fredons, les cadences, les ports de voix, qui reviennent à chaque instant, et qu'on me dise quelle analogie il peut y avoir
lamation de Lully n'est-elle donc pas une bonne déclamation naturelle, ou, à dé
début du récitatif. Elles sont en général bien observées d'après les intonations naturelles du personnage et de la passion, et elles sont gravées avec précision. Les phrases qui suivent sont beaucoup plus molles et lachées. Il arrive fr
me quand Lully ne recourt pas à ce procédé et ne fait pas de sa première phrase le motif décoratif, ou la clef de vo?te de tout le morceau, il y apporte toujours un soin et une application
uefois dans une
ra, la première phra
e ame indif
formules[296],-à moins qu'il ne rencontre un passage de déclamation particulièrement intéressant, pour lequel il fait de nouveau un effort. Mais même alors il ne se laisse pas entra?ner par une nouvelle idée mélodique ou rythmique; il reste dans la voie où l'a lancé sa première phrase; il ne s'écarte même pas de la tonalité: il lui
éclate dans ses chants. Il se montre presque partout.?... ?Cependant, remarque La Viéville,-et cette observation est plus vraie qu'il ne croit,-ce n'est pas dans les grands airs, dans les grands morceaux que cet esprit f
et ils ne sont pas parfaits: Rousseau a pu parler ?du petit air de guinguette, qui est à la fin du monologue d'Armide?, dans l'acte II. Malgré la vigueur de certains accents, on sent bien que les grands mouvements de la passion n'étaient pas naturels chez Lully. Il n'était pas un homme passionné, comme Gluck. Il était un homme intelligent, qui comprenait la passion, et qui en sentait la gra
manquaient pas autour de lui, et il savait les voir. Il excelle dans le parler galant, dont Lambert et Bo?sset lui avaient appris la langue, dans les dialogues-récitatifs de nobles a
ambitieux, qui paye à toute heure d'esprit, où les autres héros d'opéra payent
t La Viéville et l'abbé Dubos. Le malin Italien les dupe. Son intelligence et sa distinction ne sont souvent qu'un vernis superficiel, qui recouvre le parvenu étranger. Il ne faut pas gratter ce vernis. Il s'écaille
meil le livre à
un piège inévitable: il a oublié la fureur d'Armide, pour faire ici un pet
net: mais il n'y a aucun dessous. Aussi, faut-il être sceptique, quand on lit les commentaires du XVIIe siècle, à l'occasion de ses ?uvres: que d'intentions psychologiques les Lullystes ne trouvent-ils pas dans les moindres trait
'admiration à chaq
it-il, ce port de voix et ce tremblement sur la blanche d
oses en un
ier acte soulève
'ils font ensemble une impression immanquable sur l'ame de l'auditeur...?-?La conquête d'un c?ur si superbe et si grand...? La Viéville s'extasie sur l'éclat de voix, qui est sur ce
oment qu'il me
d qui donne un coup de poignard d
ante est tout simplement une de ces cadences parfaites, qui servent de conclusion redondante et banale aux périodes de Lully. Et le plus fort, c'est que cette conclusion est identiquement la même, dont Lully avait usé, quelques
, il faut en rendre hommage, comme dit Rousseau, ?aux bras et au jeu de l'actrice?. Tout ce qu'on peut dire, c'est que
ent caractérisés par Lully avec précision. Ils sont assez justement accentués, et témoignent d'une certaine finesse d
n,-un chemin bien propre, bien uni, qui n'offre rien d'inattendu, et ne s'écarte guère de la ligne droite. Il finit d'ordinaire dans le ton où il a commencé, sans avoir jamais quitté les tons les plus analogues au ton principal, oscillant régulièrement
eaient comme nous. La Viéville nous révèle que certains se plaignaient de l'ennui de ses ?fades récitatifs, qui se ressemb
antez, peti
'Opéra, l'Opér
s jours des chants,
n'en saurai
grand bruit de sa merveilleuse fécondité, de la variété de ses accents,-en particulier de ses Hélas!-ils étaient bien forcés de reconna?tre que leur dieu se répétait souvent, non seuleme
isaient était des plue ingénieuses. Ils prena
s phrases pour exprimer leurs pensées. Mais quand il faut retoucher les mêmes choies, comme il arrive sauvent, quoi-qu'ils sachent bien que la diversité pla?t, ils ont pourtant
développai
ni stérile. On a bien repris, et sans injustice quelquefois, Homère et Virgile d'être l'un ou l'autre: eux qui n'étaient pas des débauchés comme Lully. Mais je me persuade que Lully aurait souvent pu trouver des tons nouveaux, et ne l'a pas voulu, par attachement à la bonté des premiers, qu'il s'est contenté de déguiser, de changer un peu par de petites différences d'accords... Cadmus même en est une preuve... C'était son premier grand opéra. S'il s'y est copié lui-même en plusieurs endroits, ce ne peut être négligence ou paresse. Il avait trop d'intérêt à y réussir, pour y épargner ses soins.-Les chutes de son récitatif sont une des choses où il a été le plus taxé de pauvreté ou de négligence. Il leur ménage toute la variété qu'il peut... Il sait les rendre singuliers, lorsque le poète lui en donne lieu... M
meux manifestes de Gluck. On a cherché à Gluck des précurseurs italiens: Algarotti, Calsabigi. Nous avons un précurseur fran?ais qui vaut bien ceux-là; et comme il est l
l'explication, ou l'excuse, de certains traita de la musique de L
qui est assez conforme à la robuste sobriété de l'esprit classique: des expressions peu variées, mais justes, et ne craignant pas de se répéter quand le sentiment se répète, par horreur pour l'exagération et
celui qu'expose La Viéville. Il est certain que les mêmes mots, les mêmes sentiments, éveillent chez Lully les mêmes
eur du temps, l'esprit de la littérature d'alors qui étudie l'Homme en général, l'esprit de la peinture d'alors, même de la peinture de paysage, comme celle de Claude Lorrain, qui représente des arbres, dont il serait impossible de dire de quel
sa mélopée monotone et sonore, se décalquent dans le discours musical. Et ceci, quel que soit le sentiment exprimé. En un mot, c'est le despotisme de la rhétorique du temps, avec son ample déroulement, ses périodes symétriques et ses pompeuses cadences. L'idéal qui règne dans l'ensemble de cette déclamation musicale est un idéal oratoire, bien plus encore que dramatique. Est-ce donc à dire que le modèle que suivait Lully,-la tragédie de Racine, déclamée par la Champmeslé,-offr?t les mêmes caractéristiques?-Je le croirais volontiers. Rien ne peut nous remettre plus intimement dans l'esprit de cet art tragique et de son interprétation primitive, que tel de ces grands récitatifs, où Lully s'est appliqué à transposer la déclamation et le jeu de son temps,-en les grossissant un peu, mais sans altérer les proportions du modèle. Telle, la fameuse scène d'Armide trouvant Renaud endormi, qui resta,
rayeur, ne soufflant pas, demeurer immobile, l'ame tout entière dans les oreilles ou dans les yeux, jusqu'à ce que l'air d
et immuable; mais l'idée que nous en avons change perpétuellement.) Par l'ensemble de ses qualités et de ses défauts, le récitatif de Lully fut, très probablement, la traduction fidèle de l'idéal tr