Les Demi-Vierges
ement réservée au service, sur la paisible rue de la Baume. Les appartements qui regardent cette rue ont l'avantage, si rare à Paris, d'ouvr
e un parc rustique; l'hiver, ses grands arbres, souvent ouatés de brouillard, cachent encore de leur ramure enche
n h?tel, transformé autrefois en logis de gar?on, sans doute pour la commodité de quelque fils de famille, avec son escalier, sa sor
ux, élu député avec toute la liste monarchiste. Julien, à vingt et un ans, dernier male d'une de plus anciennes familles du pays, se savait beau, se sentait intelligent et souffrait d'être pauvre. Résolu d'avance
pas plus digne. Puis Julien, réellement beau, réellement séducteur, n'était Rastignac qu'à demi: lui-même aimait trop les femmes. L'irréductible sincérité de son désir paralysa ses projets de conquête. Jusqu'au jour où il rencontra Maud de Rouvre, il fut seulement un jeune méridional très élégant et très fêté. Il menait assez large vie, grace au bonheur du jeu et au
vérité, c'est que Maud, du premier coup, subjugua ce coeur infirme, masqué en aventurier. Elle le domina par sa beauté, certes, par la royauté de sa grace; mais elle l'asservit surtout parce qu'il reconnut en elle une ame pareille à celle qu"il se souhaitait à lui-même et qui lui manquait: -- une ame ardente et implacable de révoltée, décidée, co?te que co?te, à vaincre la fortune et à piétiner la foule. Maud, à dix-huit ans, se savait ruinée, réduite à l'héritage d'un oncle maternel. Courtisée par les hommes presque depuis l'enfance, experte à les surprendre, elle avait éprouvé déjà la difficulté de les
la subirent malgré la révolte de leur arbitre. Julien fut le plus aveugle et le mieux possédé; mais Maud, enragée contre cette défaite imprévue, dut s'avouer qu'elle aussi était conquise, et que ses résistances ne tenaient pas contre un baiser de l'homme à qui, malgré tout, elle ne voulait pas se donner. Elle lui fit payer cruellement sa faiblesse: elle lui déclara qu'elle se marierait quand il lui plairait; qu'elle lui cédait,
re mondaine sans écorner leur capital. Mais Maud entendait ne point déchoir de son luxe d'hier. Il fallut un vaste appartement, trois domestiques, un attelage de deux mille francs par mois. Ce qui manquait au revenus, Maud l'empruntait sans hésiter à son propre capital, car elle ne voulait pas déposséder sa mère, et Jacqueline était avisée et avare pour son bien. N'importe ! Maud avait foi dans l'avenir; elle se ruinait avec une confiante sérénité. Les événements faillirent lui donner raison.
usieurs années. La fortune du jeu se montrait déjà moins fidèle. Suberceaux connut des passes ardues, d'où le tiraient les voyages d'Asquin à Paris, tous les deux mois environ: le vieux provincial venait voir sa ma?tresse Mathilde Duroy, sa fille Etiennette, et dans ce milieu facile, où Suberceaux avait pris Suzanne du Roy pour ma?tre
onheurs des amours ordinaires. Avec son tempérament de grande amoureuse, avec son impudeur résolue, elle fit de Julien son serf, sa chose; elle fit plus: elle lui recréa l'ame à l'image de la sienne, lui suggéra ses propres sentiments, galvanisa sa volonté. Près d'elle, Julien regarda la vie avec ses yeux: une lutte sans merci pour la fortune et la domination; il accepta ce plan effroyable: n'être qu'à demi l'amant de sa m
ndant plus de six mois, le secret de la rencontre à Saint-Amand ? N'avait-elle pas (il le comprenait, à présent) modifié sa vie depuis ces dix mois, surveillé ses mots et ses gestes, de fa?on que pour le monde, si prompt à changer ses jugem
C'était la nuit déjà, les becs de gaz allumés dans la rue tapissée de neige, et la neige encore descendait en lourds et r
te pendule Empire, en forme d'a
le jour par les paroles qu'hier Maud lui avait jetées dans le vestibule de l'Opéra. Un bref
té comme une caresse, comme un baiser dans son oreille, dans ses cheveux, dans sa gorge, -- puis, l'instant d'après, quand il l'eut entra?née dans la chambre, assise sur un fauteuil, il le soupirai
Maud ch
ouche pour lui toucher le front et les yeux, tandis qu'elle réchauffait à son cou, à ses joues br
elle de cette voix basse et changée q
haleine et le bruit des mots le caressaie
'ai souffert, hier soir !... Vo
t à se lever aussi; elle l'amena
et soyez sage. Nous avons à causer sérieu
ment ? murmura-t-i
d. Vrai, c'est grav
les bleu sombre qui semblaient noires à la lumière, elle y concentrait la sugges
e vous préfère un M. de Chantel. Voilà ce qui est certain, ce que vous verrez clair comme le jour, si vous voulez regarder et réfléchir... S
tout à l'heure: "Je n'aime que vous, je n'aimerai jamais
.. ce n'est pas long. Je pense que vous m'aimez assez pour ne pas souhaiter me voir dans la débacle; en tout cas, moi, je ne veux pas de débacle, entendez-vous ? Donc, il faut que j
'est
'autres que pour nous: j'en suis fière, pour ma part. Nous sommes des révoltés et des aventuriers, s
i saisit
! Ne dites pas ce mot... Vo
ions et vos promesses, malgré ma volonté et mon droit, vous cherchiez
s mains la tête de Julien, e
e, fit-elle... E
isé et gri
aimez votre ma
ta vie, courir aux expédients ? Veux-tu que je donne des le?ons de piano ? C'est parce que je t'aime que je te désire riche et libre: tu dois me vouloir reine, si tu m'aimes. Taillons-nous de vive force notre part de fortune sur des êtres inférieurs à nous, de race moindre que
i baisa l
as r
quérir, à tout prix. En cette minute, vraiment il sentit bouillonner en soi une volonté aussi ardente
e vit
fit-elle. Il f
en, reste... rien qu
rta comme une proie. Les lèvres jointes, ils défaillirent ensemble contre cette couche fermée que, deux fois en quatre années
Berne, 22.
pluie, et le cheval avan?ait avec peine, le long du boulevard Hausmann, où les tramways restaient en panne, puis à travers la place de l'Eu
isent économiquement, défra?chies au bout de six mois, par
gnance la porte d'une
elle Etienn
t sans se tourner une grosse femme qu
le tapis élimé aux angles des marches, tout signifiait la demi-pauvreté, l'indigence à décor, la pire de toutes. Maud entrevit pour e
, jamais ! p
d'asseoir l'avenir sur des f
voir Etiennette, vêtue d'une très simple robe de drap bleu, avec un t
e cela ! s'écria Maud en l'embras
rester à d?ner. Oh ! si toute seule avec moi... Maman est souffra
end chez moi, ce soir: les Chantel d?nent dans
salon, bas de plafond, étouffé de tentures, crevant de meubles,
en expliqua t
endre au hasard ce qui avait un peu de valeur, quand nous avons dém
. Hier, je t'ai à peine entrevue, à l'Opéra. Je n'ai pas eu le temps. Voici ce que j'ai p
tu donnais le bras, hier
s. M. de Chantel, te disais-je, quitte Paris dans quelques jours pour ses terres du
ien
u lendemain de son arrivée, afin de le ressaisir tout de suite, car c'est un étrange gar?on: quelques semaines
dit Etiennette, baisa
outa Maud après une courte pause, nos situations sont plus semblables que tu ne penses, va ! Toutes les deux nous avons souffert par le lache égo?sme des hom
répondit
pas encore eu besoin de notre hospitalité ? Quand en
e. Car tout à l'heure, en quittant Julien, sentant le besoin de le tenir en haleine, dans la crise présente, par
guéridon une minuscule la
le salon. De l'antichambre, tu entres dans la salle à mang
dimension médiocre, avec un cabinet
chambre, au moins
hambre est à c?té
rose, Etien
ffrante: elle n'a pas la poitrine très solide. Au bout d'un mois passé en famille, elle allait mie
manda Maud distraitement, insp
croyons qu'elle est à Londres,
ques larmes qui glissa
demanda Maud, o
t condamnée à rester tout le jour au lit ou sur une chai
domes
beaucoup, et qui, d'ailleurs, reste presque constamment après de maman... Les jours où tu auras besoin de cett
-même de telles intrigues, les spectacles de sa jeunesse l'avaient pourvue pour le libertinage d'autrui d'indifférence ou d'indulgence: triste et
né le salon. Maud,
il me faut vingt-cinq minutes pour arriver chez moi. Et
vu Paul depuis hier soir ? demanda Eti
vu, toi, petit
i re?u aujourd'hui, après le déjeuner. Nous avons parlé de toi. Son frère et lui ont le projet de nous réunis tous à
e la part d'Hector... car l
comprends, souhaite le plus possible se mon
?... ce
que Paul commence à m'ai
nne c
hance auss
boue dans l'air adouci. Recognée à l'angle de la voiture, les mains dans son manchon, les pieds sur la boule chaude, Maud sentait effervescente en soi la douce fièvre du succès pro