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C'était un samedi, le Cirque des Champs-élysées donnait une représentation extraordinaire pour la rentrée du gymnaste Otto, éloigné de Paris depuis plusieurs années, et pour les débuts de son élève Zabette.
Depuis quinze jours les murs de Paris étaient couverts d'affiches représentant deux hommes lancés dans l'espace, l'un aux membres athlétiques, musclés comme ceux d'un personnage de Michel-Ange, l'autre mince, délié, gracieux comme un éphèbe athénien; aux quatre c?tés de cette affiche s'étalaient en gros caractères les noms d'Otto et de Zabette. Ce nom d'Otto était bien connu à Paris dans le monde des théatres et de la galanterie, car les succès de celui qui le portait avaient été aussi grands, aussi nombreux, aussi bruyants dans l'un que dans l'autre, et pendant plusieurs années il avait été de mode pour le gros public d'aller voir Otto qui, par la hardiesse de ses exercices, lorsqu'il voltigeait en maillot rose de trapèze en trapèze, arrachait des cris d'admiration à ses spectateurs; comme, dans un autre public plus spécial et plus restreint, il avait été de mode aussi de s'arracher Otto qui sans maillot était plus merveilleux encore.
Quant au nom de Zabette, il était nouveau à Paris; mais, grace aux journaux ?bien informés?, on avait bient?t su que Zabette était un jeune créole qu'Otto avait rencontré en Amérique, et dont il avait fait son élève pour l'associer à ses exercices. Puis d'autres journaux, ?mieux informés encore?, avaient raconté que ce jeune Zabette, bien que portant des vêtements d'homme, était en réalité une jeune fille qui adorait son ma?tre. Et pendant huit jours la question de savoir si ce Zabette était un gar?on ou si cette Zabette était une fille avait suffi pour occuper la badauderie parisienne, toujours prête à rester bouche ouverte, attentive et curieuse, devant ceux qui connaissent l'art, peu difficile d'ailleurs, de l'exploiter.
C'était assez, on le comprend, pour que cette rentrée d'Otto et ce début de Zabette fussent un événement. à deux heures toutes les premières étaient louées, et le soir les bureaux n'ouvraient que pour les places hautes, demandées par des gens qui ne voyaient dans Otto que le gymnaste et que leur honnêteté bourgeoise préservait de la curiosité de chercher à savoir si Zabette était un jeune gar?on on une jeune fille.
à huit heures et demie, devant une salle à moitié remplie pour les places louées et comble pour les autres, le spectacle commen?ait par les exercices ordinaires des cirques fran?ais, anglais, américains ou espagnols, des Champs-élysées ou d'ailleurs: Jupiter, cheval dressé et présenté en liberté; entrée comique; Jeanne d'Arc, scène à cheval.
Qu'il s'agisse d'une première représentation aux Fran?ais, à l'Opéra, aux Folies ou au Cirque, il y a une partie du public, toujours la même, qui du 1er janvier au 31 décembre se rencontre inévitablement dans ces soirées, et qui, bien entendu, se conna?t sans avoir eu souvent les plus petites relations personnelles: on est habitué à se voir et l'on se cherche des yeux.
Au milieu de la scène de Jeanne d'Arc, deux jeunes gens firent leur entrée au moment où Jeanne, à genoux sur sa selle, les yeux en extase, entendait ses voix, et leurs noms coururent aussit?t de bouche en bouche:
-Léon Haupois-Daguillon.
-Henri Clorgeau.
C'était en effet Léon qui, accompagné de son ami intime Henri Clorgeau, le fils de la très-riche maison de Commerce Clorgeau, Siccard et Dammartin, venait assister aux débuts de Zabette. Ils gagnèrent leurs places au quatrième rang, et, au lieu de donner leurs pardessus à l'ouvreuse qui les leur demandait, ils les déposèrent sur les deux places qui étaient devant eux et qu'ils avaient louées pour être à leur aise.
Puis, ayant tiré leurs lorgnettes, ils se mirent à passer l'inspection de la salle, sans s'inquiéter de Jeanne d'Arc qui, debout, dans une attitude inspirée, pressait religieusement son épée sur son coeur en criant: ?Hop! hop!? Le cheval allongeait son galop, et, prenant son épée à deux mains, Jeanne faisait le moulinet contre une troupe d'Anglais invisibles: la musique jouait un air guerrier.
Léon posa sa lorgnette devant lui, et se penchant à l'oreille de son ami:
-Croirais-tu, lui dit-il, que je ne puis examiner ainsi une salle pleine sans m'imaginer que je vais peut-être apercevoir ma cousine Madeleine. C'est stupide, car il est bien certain que la pauvre petite, si elle vit du travail de ses mains, comme cela est probable, a autre chose à faire qu'à passer ses soirées dans les théatres. Mais c'est égal, si stupide que cela soit, je regarde toujours; c'est comme dans les rues ou dans les promenades, où je dois avoir l'air d'un chien qui quête.
-Elle te tient bien au coeur.
-Plus que tu ne saurais le croire; mais elle m'y tient d'une fa?on toute particulière, avec quelque chose de vague et je dirais même de poétique, si le mot pouvait être appliqué à notre existence si banale; c'est un souvenir de jeunesse dont le parfum m'est d'autant plus doux à respirer que les sentiments qui l'ont formé sont plus purs; je penserai toujours à elle, et ce ne sera jamais sans une tendresse émue.
-La police n'a pu rien découvrir?
-Rien. Elle m'a seulement donné une terrible émotion pendant que tu étais à Londres. Un matin on est venu me dire qu'on avait trouvé dans la Seine le corps d'une jeune fille dont le signalement se rapprochait par certains points de celui de Madeleine. J'ai couru à la Morgue, dans quel état d'angoisse, tu peux te l'imaginer. On m'a mis en présence du cadavre; c'était celui d'une belle jeune fille. Dans mon trouble, j'ai cru tout d'abord que c'était elle; mais je m'étais trompé. Jamais je n'ai éprouvé plus cruelle émotion; je vois encore, je verrai toujours ce cadavre et, chose horrible, j'y associerai la pensée de Madeleine tant qu'elle n'aura pas été retrouvée.
Jeanne d'Arc venait de mourir br?lée sur son b?cher, et quelques personnes de composition facile applaudissaient sa sortie.
Il se fit un moment de silence, et comme personne n'entourait encore Henri Clorgeau et Léon, celui-ci, qui n'était nullement à ce qui se passait dans la salle ni à la salle elle-même, continua à parler à l'oreille de son ami.
-Comme je me disposais à sortir de la Morgue, la porte que j'allais ouvrir s'ouvrit devant mon père. Lui aussi avait été prévenu et il était accouru presque aussi vite que moi. Par là, je vis qu'il faisait faire des recherches de son c?té. Lorsqu'il entra, il était aussi pale que le cadavre que je venais de regarder. J'allai vivement à lui en criant: ?Ce n'est pas elle!? ?Dieu soit loué!? murmura-t-il, et il me tendit la main. Ce témoignage de tendresse me toucha, et il en résulta que mes rapports avec mon père et ma mère furent moins tendus; mais je crains bien qu'ils ne redeviennent jamais ce qu'ils ont été. Ils ont cru être très-habiles en for?ant Madeleine à quitter leur maison; ils se sont trompés dans leur calcul.
-Tu ne l'aurais pas épousée malgré eux.
-Ils ont eu peur que je les amène à accepter Madeleine, et pour ne pas s'exposer à cela, ils ont si bien fait que cette pauvre enfant s'est sauvée épouvantée. Qui sait ce qui s'est passé? La lettre que Madeleine m'a écrite est pleine de réticences, et je n'ai jamais pu avoir d'explications ni avec mon père ni avec ma mère.
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